Chroniques d’Akantor V
Une sale époque (Akantor V - Chronique 3) Flamerule 1358
Le ciel était bas. Yafan marchait rapidement. Le ranger arpentait la région depuis de nombreuses années. Elle n’était pas dangereuse « habituellement ». Mais habituellement les dieux ne foulaient pas les royaumes terrestres. Aujourd’hui, il ne fallait se fier à rien, et surtout pas à ses habitudes.
« Sale époque ! », maugréa-t-il, alors qu’il découvrit une vaste portion de forêt brûlée. Entre la magie qui était devenue folle et la guerre qui ravageait Valplume, il y avait mille causes possibles pour cette tragédie. Son âme d’elfe s’était glacée à cette vue. Pourtant il n’avait pas l’intention de perdre du temps pour en savoir plus.
Il repensa à Akantor. Sa famille d’adoption venait d’être massacrée par l’armée de Valbalafre. Sans sa famille d’accueil, le demi elfe était rejeté par les humains. En temps de crise, la défiance entre les races flambait. Même avec les rudiments de langue elfique que Yafan lui avait transmis, aucune communauté elfique n’accepterait un sang-mêlé. Un jour, peut être, l’emmènerait-il à Arbre-Mêlés où les demi-elfes étaient, disait on, si nombreux.
« Sale époque ! », répéta-t-il. Il se demanda s’il n’aurait pas du emmener Akantor avec lui malgré les dangers inouïs d’un voyage pendant ce Temps des Troubles. Il n’en avait rien dit à l’adolescent, mais de retour à Sambreloges, il avait bien l’intention de retrouver le parent elfe du jeune homme. Ainsi, Akantor retrouverait peut être une « famille ». Elle ne serait sans doute pas idéale, mais ce serait mieux que de n’avoir plus personne. Il avait eu un peu de temps pour apprendre à connaître l’enfant avant le temps des troubles : il était intelligent, voire brillant. Cette qualité serait plus appréciée chez les elfes de Cormanthor que dans un petit village de paysans humains.
Il repensa encore à l’enfant plein de vie et d’enthousiasme auquel la vie et la folie des dieux venaient de tout prendre : Père, Mère, Frère... Même son enfance. Cette injustice l’ulcérait. Perturbé, il ne vit pas l’archer sortir de sa cachette. A peine entendit-il la flèche siffler vers son cœur. Et alors qu’il tombait, le rire de cet enfant lui revint en mémoire avant de sentir la boue contre son visage.
« Sale époque ! », expira-t-il.